≈ 2 heures et 30 minutes · Avec entracte
GEORGE FRIDERIC HAENDEL
Halle, 23 février 1685
Londres, 14 avril 1759
« Le Messie de Haendel est plus qu’une œuvre musicale, c’est un monument de la civilisation occidentale qui, deux siècles et demi après avoir été composé, est aujourd’hui un véritable mythe. » C’est dans ces termes que le critique et historien britannique Nicholas Kenyon résume fort à propos la place du Messie dans le monde occidental, car, dans toute l’histoire de la musique, peu d’œuvres ont suscité un attrait aussi universel en raison de leur inspirante beauté. Si, comme l’affirme le critique Lawrence Gilman, « la caractéristique de tous les véritables chefs-d’œuvre est leur capacité à se renouveler à l’infini », Le Messie est assuré de demeurer une étoile brillante au firmament des chefs-d’œuvre. C’est sans conteste l’oratorio le plus connu et le plus souvent interprété.
La popularité irrésistible et continue du Messie, qui remonte à l’époque même de Haendel, aurait surpris son créateur. En effet, ce dernier envisageait son rôle d’abord et avant tout comme celui de compositeur dramatique, c’est-à-dire de créateur d’opéras, et c’est surtout en cette qualité qu’il pensait atteindre la postérité. Pendant plus de deux décennies, Haendel fut adulé et compté au nombre des plus grands compositeurs anglais (malgré le fait qu’il était né en Allemagne et avait été formé en Italie); les Londoniens se rendirent en masse écouter la quarantaine d’opéras qu’il produisit entre 1711 (année de son arrivée à Londres) et la fin des années 1730. Mais le public inconstant se lassa de l’opéra qui, vers le milieu des années 1730, cessa d’attirer les foules. Il fallait quelque chose de nouveau et de typiquement anglais pour intéresser les auditoires.
Haendel se montra à la hauteur de la tâche en créant l’oratorio anglais, présentant Esther, première œuvre du genre, en 1732, puis 22 autres au cours des 25 années qui suivirent. Composées sur des paroles en anglais (et non un livret italien), ces œuvres avaient pour thèmes des épisodes principalement tirés de l’Ancien Testament, que les Anglais connaissaient bien. L’oratorio, tel que Haendel le façonna, était essentiellement une œuvre dramatique employant les mêmes ingrédients musicaux et dramatiques que l’opéra – récitatif, arioso, aria, ensemble soliste, chœur et personnages –, mais mettant de côté les éléments de mise en scène que sont le décor, les costumes et le jeu des acteurs. Les chœurs gagnent en outre en importance dans l’oratorio.
L’idée du Messie provient de Charles Jennens, mélomane et figure du monde littéraire avec lequel Haendel avait collaboré à d’autres œuvres chorales. Tirant presque tous ses textes de l’Ancien Testament (principalement de la King James Bible de 1611), Jennens composa un canevas méditatif évoquant toute la vie et l’œuvre du Christ : les prophéties de Sa venue; Sa naissance et l’allégresse qui l’a accompagnée; des épisodes de Sa vie; la Passion; la Résurrection; et l’espoir de Son retour.
La création du Messie connut un succès retentissant, le 13 avril 1742 au Neale’s Music Hall de Dublin, mais les représentations données à Londres dans les années suivantes reçurent un accueil mitigé. En 1750, l’œuvre prit son essor et sa popularité ne s’est jamais démentie depuis. Haendel mourut neuf ans plus tard, huit jours après être apparu pour la dernière fois en public au cours, justement, d’une prestation du Messie. Mais l’œuvre continua de vivre, de se développer, prenant même des proportions colossales.
Le Messie est devenu un mythe musical plus grand que nature à l’occasion de la première grande commémoration tenue en l’honneur de Haendel en 1784; on avait alors réuni un chœur de 275 voix, le plus grand jamais assemblé jusqu’alors pour un seul concert (du vivant de Haendel, on se contentait d’un chœur d’une vingtaine de personnes), auquel un orchestre de 250 musiciens venait prêter main-forte. Cette inflation des exécutants s’est poursuivie tout au long du XIXe siècle. « Qui a déjà entendu un chœur trop grand pour Haendel? », demandait le Musical Examiner en 1843. Apparemment peu de gens, puisqu’en 1857, la Haendel and Haydn Society de Boston donna une représentation réunissant entre 600 et 700 choristes. Deux ans plus tard, le Messie fut donné avec un chœur de 2 765 voix et un orchestre de 460 musiciens dans le cadre d’un grand festival célébrant le centenaire de la mort du compositeur. Pendant le Jubilé national de la paix à Boston, en 1869, le chœur de l’« Alléluia » fut exécuté par un ensemble de 10 000 choristes et 500 instrumentistes!
De nos jours, on assiste au retour du balancier. Depuis une vingtaine d’années, les musicologues soulignent les dimensions relativement modestes des ensembles de l’époque de Haendel, et on compte de nombreux enregistrements et représentations en public se fondant sur l’une des partitions dont se servait le compositeur. Il faut cependant rappeler que l’on ne peut parler de version « authentique », « définitive » ou « complète » du Messie. En effet, entre le moment où il mit la dernière main à la partition, en septembre 1741, et sa mort 18 ans plus tard, Haendel révisa et modifia constamment son œuvre afin de l’adapter aux exigences des diverses représentations. Ces changements consistaient à transposer certains airs pour les adapter à la tessiture des solistes; à supprimer certains morceaux s’avérant trop difficiles; à les réduire s’ils étaient trop longs; à les modifier pour changer le rythme; à ajouter du matériau supplémentaire; à élargir le chœur; à ajouter des parties pour des instruments d’orchestre, etc. Les spectacles présentés à Broadway de nos jours subissent un sort semblable.
À l’instar des autres oratorios de Haendel, le Messie comprend trois parties. La première relate la venue du Christ, telle que la rapportent les prophéties de l’Ancien Testament. Sa naissance y est annoncée (« Chantons l’Enfant qui vient de naître »), puis un ange apporte la Bonne Nouvelle à des bergers. La paix sur terre et la rédemption de l’humanité sont proches.
La deuxième partie évoque la Passion, la Résurrection et l’annonce de la Bonne Nouvelle, faisant, de nouveau, presque uniquement appel aux prophéties de l’Ancien Testament. La grande vision du retour glorieux et triomphal du Christ, tirée de l’Apocalypse, nous est donnée dans l’« Alléluia » final.
Le thème de la troisième partie, une expression de foi dans la rédemption et une renaissance symbolisée par le retour du Christ, est énoncé par ces mots que le compositeur a mis dans la bouche de la soprano : « Mon Sauveur est vivant et Il reviendra au jour du Jugement dernier pour nous juger ». Le Messie se termine sur une musique d’une majesté sans précédent avec l’image du Christ, Agneau de Dieu, assis sur son trône pour l’éternité.
Pour conclure, voici les commentaires de Klaus G. Roy, ancien rédacteur des notes de programme de l’Orchestre de Cleveland, sur le rôle quasi mythique que le Messie joue aujourd’hui dans nos vies : « le Messie de Haendel semble être, comme la nature elle-même, à la fois changeant et immuable. Il est pratiquement impossible de retracer toutes les versions dans lesquelles il a été présenté, que ce soit de façon abrégée ou étendue, avec une touche contemporaine plus ou moins réussie, dans des salles à l’acoustique parfaite ou désastreuse, dans de petites églises ou dans d’immenses cathédrales. le Messie a fait l’objet d’interprétations fidèles à la lettre, mais négligeant l’esprit de l’œuvre, et de beaucoup plus nombreuses représentations mettant en valeur l’esprit, mais ne respectant pas très bien la lettre. Pour certains, c’est la religion personnifiée, pour d’autres, c’est un art religieux et pour d’autres encore, simplement de l’art. Certains détestent cette œuvre à cause des déformations qu’elle a subies ou parce qu’elle a été trop entendue et qu’elle provoque tout simplement l’ennui. Pour d’autres, c’est la seule œuvre d’art dont l’audition régulière a été le principal contact avec la grande musique. Enfin, pour ceux qui ont refusé de l’écouter tant que, selon eux, les conditions idéales ne seraient pas réunies, le Messie a été une révélation. Cette œuvre a été et continue d’être tout cela et bien plus. Seule une œuvre d’art de valeur extraordinaire peut exercer un pouvoir aussi durable sur l’humanité. »
Traduit d’après Robert Markow
Trevor Pinnock est un claveciniste et un chef d’orchestre connu dans le monde entier comme pionnier de la renaissance de la musique ancienne.
En 1972, il a fondé l’English Concert, un ensemble réputé pour ses concerts novateurs sur instruments d’époque qui a enregistré plusieurs albums pour la marque Deutsche Grammophon (DG) et participé à des tournées internationales. En 2023, à l’occasion du 50e anniversaire de l’English Concert, DG a sorti un coffret de 100 disques reprenant l’intégralité des enregistrements. Parmi les nombreux enregistrements solos de Trevor Pinnock, on trouve des suites de Rameau et de Louis Couperin, ainsi que des pièces de Bach : les Variations Goldberg, les Partitas et plus récemment, Le Clavier bien tempéré.
Dans le cadre de son projet d’enregistrement le plus récent – les Partitas pour clavier de Bach avec des arrangements novateurs pour orchestre de chambre de Thomas Oehler –, il a collaboré avec des élèves de la Royal Academy of Music et de l’École Glenn Gould. L’album est sorti à l’automne 2023.
En 2003, Trevor Pinnock a quitté la direction de l’English Concert et depuis, il partage son temps entre la direction d’orchestre et l’interprétation d’œuvres solos et de musique de chambre. Il collabore régulièrement avec le Koninklijk Concertgebouworkest d’Amsterdam, le Deutsche Kammerphilharmonie de Brême et l’Orchestre du Mozarteum de Salzbourg. Il était de retour au Concertgebouworkest la saison dernière avec La Passion selon saint Jean de Bach et un concert de musique de chambre, de Bach également, aux côtés d’Emmanuel Pahud et de Jonathan Manson, qui a également été repris au Wigmore Hall. Il poursuit par ailleurs sa collaboration avec l’Orchestre National de France, l’Orchestre philharmonique de Gran Canaria, l’Orchestre de chambre du Kioi Hall de Tokyo et les interprètes de la Royal Academy of Music.
Trevor Pinnock est directeur artistique du festival Anima Mundi de Pise et premier chef d’orchestre de l’Orchestre de chambre du Kioi Hall de Tokyo et de l’Orchestre de chambre de la Royal Academy of Music de Londres. Il a été nommé commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique en 1992 et officier de l’Ordre des Arts et des Lettres de France en 1998. Il a également été directeur musical et premier chef de l’Orchestre du CNA de 1991 à 1996.
L’Orchestre du Centre national des Arts (CNA) du Canada est reconnu pour la passion et la clarté de son jeu, ses programmes d’apprentissage et de médiation culturelle visionnaires et son soutien indéfectible à la créativité canadienne. Situé à Ottawa, la capitale nationale, il est devenu depuis sa fondation en 1969 l’un des ensembles les plus encensés et les plus dynamiques du pays. Sous la gouverne du directeur musical Alexander Shelley, l’Orchestre du CNA reflète le tissu social et les valeurs du Canada, nouant des liens avec des communautés de tout le pays grâce à sa programmation inclusive, ses récits puissants et ses partenariats innovants.
Alexander Shelley a façonné la vision artistique de l’Orchestre depuis qu’il en a pris les rênes en 2015, poursuivant sur la lancée de son prédécesseur, Pinchas Zukerman, qui a dirigé l’ensemble pendant 16 saisons. Le maestro Shelley jouit par ailleurs d’une belle renommée qui s’étend bien au-delà des murs du CNA, étant également premier chef d’orchestre associé de l’Orchestre philharmonique royal au Royaume-Uni ainsi que directeur artistique et musical d’Artis—Naples et de l’Orchestre philharmonique de Naples aux États-Unis. Au CNA, Alexander Shelley est épaulé dans son rôle de leader par le premier chef invité John Storgårds et par le premier chef des concerts jeunesse Daniel Bartholomew-Poyser. En 2024, l’Orchestre a ouvert un nouveau chapitre avec la nomination d’Henry Kennedy au nouveau poste de chef d’orchestre en résidence.
Au fil des ans, l’Orchestre a noué de nombreux partenariats avec des artistes de renom comme James Ehnes, Angela Hewitt, Renée Fleming, Hilary Hahn, Jeremy Dutcher, Jan Lisiecki, Ray Chen et Yeol Eum Son, assoyant ainsi sa réputation d’incontournable pour les talents du monde entier. L’ensemble se distingue à l’échelle internationale par son approche accessible, inclusive et collaborative, misant sur le langage universel de la musique pour communiquer des émotions profondes et nous faire vivre des expériences communes qui nous rapprochent.
Depuis sa fondation en 1969, l’Orchestre du CNA fait la part belle aux tournées nationales et internationales. Il a joué dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada et a reçu de nombreuses invitations pour se produire à l’étranger. Avec ces tournées, l’ensemble braque les projecteurs sur les artistes et les compositeurs et compositrices du Canada, faisant retentir leur musique sur les scènes de l’Amérique du Nord, du Royaume-Uni, de l’Europe et de l’Asie.
Les Cantata Singers d’Ottawa (CSO) fêtent leur 60e anniversaire et leur directeur artistique, Andrew McAnerney, a programmé une « saison de célébration ».
La série de concerts des CSO pour 2023-2024 comprend les Vêpres de Rachmaninov (en novembre), Les paysages sonores arctiques avec de la musique des pays de l’Arctique (en avril), et le concert anniversaire CSO @ 60 (en juin) avec des œuvres issues des 60 années de création musicale du chœur, des pièces spécialement commandées, et la Nelsonmesse de Haydn avec le Consort baroque d’Ottawa.
Fondé en 1964, le chœur d’environ 45 voix s’est distingué dans l’interprétation de nombreux styles et périodes musicales, de la musique ancienne au minimalisme, et est à l’aise dans le chant a cappella, avec orchestre ou avec de petits ensembles. Le chœur vise les standards d’interprétation les plus élevés, et s’attache à promouvoir la musique chorale à Ottawa et à soutenir le talent musical canadien en commandant des compositions nouvelles, en engageant des musiciennes et musiciens d’ici, en offrant des bourses aux jeunes voix du pays, et en incluant des œuvres de compositrices et de compositeurs du Canada dans sa programmation saisonnière.
Exception faite de la période marquée par la pandémie de COVID-19, les CSO se sont produits chaque année avec l’Orchestre du Centre national des Arts sous la baguette de chacun des directeurs artistiques qui se sont succédé au CNA ainsi que de chefs invités, depuis l’ouverture du Centre en 1969.
Le chœur a été invité à se produire dans le cadre de plusieurs festivals de musique canadiens, dont le Festival de Lanaudière et le Festival of the Sound. Il a aussi fait équipe avec d’autres chœurs canadiens bien connus, dont Pro Coro Canada à Edmonton, le Vancouver Chamber Choir, et le Chœur St-Laurent à Montréal. Grâce à de nombreuses émissions diffusées par la CBC et Radio-Canada, les CSO sont bien connus dans tout le Canada.
Le Capital Chamber Choir (CCC) est un ensemble d’interprètes de niveau avancé de la région de la capitale nationale qui recrute ses membres sur audition. Le chœur et son directeur artistique, Jamie Loback, s’attachent à présenter au public un éventail diversifié de musique chorale – en particulier des œuvres modernes, canadiennes et locales – en offrant des prestations attrayantes et de haut calibre. Fondé par Sara Brooks en 2009, le chœur s’appuie sur une véritable collaboration, qui met l’accent sur l’importance de la collégialité pour produire un son choral intégré. Le CCC est une organisation dirigée par des bénévoles, dont les membres du conseil d’administration et de ses comités proviennent de l’ensemble lui-même.
Chaque saison, le CCC présente sa propre série de concerts en plus d’entreprendre des projets de collaboration avec d’autres interprètes. Le chœur a collaboré avec des ensembles prestigieux, dont l’Orchestre du Centre national des Arts, l’Orchestre de chambre Thirteen Strings, les Elmer Iseler Singers et le Chœur de chambre canadien, et a organisé des classes de maître ou des concerts avec des compositeurs comme John Rutter, Morten Lauridsen, Ola Gjeilo et Ēriks Ešenvalds.
Le CCC a lancé son premier album entièrement canadien, The Delight of Paradise, en avril 2017. L’année suivante, le chœur a donné un concert Spotlight à St. John’s (Terre-Neuve) dans le cadre du Podium Choral Conference & Festival. Le CCC a remporté le deuxième prix dans la catégorie « chœurs d’adultes, voix mixtes » du Concours national pour chœurs amateurs canadiens en 2019, et il a été invité à se produire à Rideau Hall pour les récipiendaires de l’Ordre du Canada.
Bien que la pandémie de COVID-19 ait mis un terme aux concerts en direct en 2020 et 2021, le CCC a profité de cette pause pour produire deux séries d’enregistrements vidéo diffusées sur YouTube. Le chœur est remonté sur scène à l’automne 2021 et n’a cessé depuis d’enchaîner les saisons. Le CCC se réjouit à la perspective de présenter une programmation complète pour la saison 2024-2025, comprenant des œuvres novatrices sur la scène Southam du Centre national des Arts, des explorations sonores avec une connexion locale, un concert reprise, et la célébration de notre 15e anniversaire!
Alliance internationale des employés de scène et de théâtre