Laisser le champ libre pour créer
Parce que le théâtre nous ancre, nous bouscule, nous avale. Que sa fabrication mérite du temps, des réflexions et des échanges nourris avec le public. Nous avons à cœur de le faire éclore, d’exposer ses rouages, de repousser ses limites. Ouvrons les portes!
Projet spécial récurrent initié par Mani Soleymanlou, La résidence du Théâtre français permet d’accueillir des artistes pour approfondir une démarche, un style, pour aiguiser leur plume ou la laisser s’envoler.
Cette année, deux explorations d’un an, chacune creusant des territoires distincts mais complémentaires où l’intime et le collectif se mêlent, donnant voix à une démarche journalistique, une démarche enracinée dans les communautés. Deux projets faisant résonner les vécus, les perspectives et les témoignages locaux dans le tissu même de l’œuvre.
Giant Mine de Marie-Ève Fontaine
237 000 tonnes : c’est la quantité de trioxyde d’arsenic qui se trouve sous le sol de Giant, une ancienne mine d’or à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest. Cette substance toxique, produit dérivé de 60 ans d’extraction minière, est désormais une menace pour l’environnement, obligeant certaines questions : Comment nettoyer ce dégât ? Ce projet minier en a-t-il valu la chandelle ? Si la roche pouvait parler, que dirait-elle ? Grâce à des verbatims d’entrevues, des techniques de prospection sonore et de la participation citoyenne, Marie-Ève Fontaine et son équipe œuvrent à concevoir une expérience théâtrale hors du commun qui incitera le public à réfléchir sur notre relation avec le territoire.
« Je suis très fière d’être artiste en résidence au Théâtre français du CNA cette année. Voilà bientôt déjà dix ans que je travaille avec l’équipe du TF sur divers projets qui me permettent de déployer ma créativité et de partager ma passion pour les arts avec diverses communautés. Être invitée par Mani et son équipe à être artiste en résidence, c’est gage de confiance envers ma démarche, envers mon travail ; c’est du vent dans les voiles pour mon projet de longue haleine Giant Mine qui fera l’objet de multiples étapes de travail tout au long de l’année. J’aurai également le plaisir de contribuer à plusieurs activités du TF tout au long de la saison, me permettant de créer des liens entre les membres du personnel ainsi que les spectateur·rice·s et les artistes qui fréquentent ce lieu phare de l’excellence artistique au Canada. J’ai bien hâte d’apporter ma petite pierre à l’édifice ! »
Le vol du siècle de Guillaume Saindon
Un plaidoyer viscéral, une plongée dans l’ombre douce des écrans, là où les titanstechnologiques façonnent silencieusement nos pensées. Entre l’éclat des notifications et le déroulement sans fin des flux, nous débusquons les rouages invisibles qui dérobent notre concentration, monétisant notre attention. Le vol du siècle est une œuvre à la frontière de la réalité et de l’onirisme, où la scène se fait reflet des dérives modernes, et où les appels irrésistibles des stimuli dopaminergiques se fondent aux murmures d’un monde saturé d’informations. Une enquête sur la souveraineté cognitive, un manifeste contre l’érosion de notre attention collective.
« La résidence, c’est la possibilité inespérée de réfléchir et de créer sans contraintes ; c’est la possibilité inégalée d’avoir accès à une communauté, à des ressources ; c’est la possibilité inexistante de nos jours de pouvoir prendre le temps, enfin, un peu, de ralentir pour prendre soin de bien produire de nouvelles œuvres. »
Saisons 2022-2023 et 2023-2024
La mouette mise en abîme par Catherine Vidal
Pour les saisons 2022-2023 et 2023-2024, le Théâtre français ouvre les bras à Catherine Vidal, tête chercheuse à la culture large, à la curiosité intarissable et à l’intelligence vive. Ici, elle a tenu les rênes du spectacle Le grand cahier (2012), a agencé les paroles de femmes de S’appartenir (e) (2015) et a orchestré la traversée fantasmatique de Je disparais (2017).
Son but? Construire un cahier dramaturgique et scénique qui servira de pierre d’assise à une mise en abîme de La mouette de Tchekhov. Pour nourrir la bête, elle rassemblera des textes, des échos, des images, des musiques et des ambiances, pour les éprouver dans le corps des interprètes.
En dialoguant avec le classique, Catherine Vidal souhaite imposer une saine distance avec le chaos du présent. La manœuvre étanchera-t-elle nos soifs de profondeur, de perspective, d’idées nouvelles? Il faudra la suivre. Oser plonger avec elle dans sa création.
Divers rendez-vous avec le public sont prévus pour suivre l’évolution du projet. Ils prendront des formes originales, toujours différentes : lecture musicale, installation scénographique, création sonore. Au printemps 2024 naîtra un spectacle, produit par la compagnie Cœur battant, en coproduction avec le Théâtre français et en collaboration avec le Prospero.
Catherine Vidal partage ici ses impressions sur sa résidence et le travail de création de La mouette
Lettre aux spectateurs du Théâtre français, 6 novembre 2023 : Depuis que je vous ai écrit en janvier dernier, tant de choses ont été réfléchies, mises en place...
Lettre aux spectateurs du Théâtre français, 29 janvier 2023 : Je m’appelle Catherine Vidal et je suis metteuse en scène. Suite à la très belle invitation de son nouveau directeur artistique, Mani Soleymanlou, je serai artiste en résidence au Théâtre français du CNA pour la présente et prochaine saison...
« Le temps nous manque toujours en création et la résidence au Théâtre francais du CNA me permettra de creuser en profondeur le texte La mouette de Tchekhov, de travailler sa traduction, d’essayer d’autres avenues esthétiques que celles, souvent attendues pour cette dramaturgie. De chercher autour des thèmes évoqués dans la pièce (l’art et la création, le fossé générationnel, la soif de prendre sa place pour les jeunes artistes et la date de péremption redoutée par les artistes établis, les traditions et l’avant-garde) en fouillant dans la correspondance et les nouvelles de Tchekhov, en lisant des essais ou simplement en observant mes contemporains… »