≈ 2 heures · Avec entracte
Broadheath (Worcestershire), 2 juin 1857
Worcester, 23 février 1934
La première des Variations Enigma, le 19 juin 1899, marque un tournant dans la vie d’Edward Elgar. Ce dernier, alors au début de la quarantaine, était pratiquement inconnu à l’extérieur de son pays natal, l’Angleterre, et était considéré, selon ses propres termes, comme « un homme qui n’avait pas encore fait parler de lui ». Les Variations allaient entraîner un changement radical. Après la création de l’œuvre au mois de juin, Elgar retoucha la partition et étoffa le finale; il constata bientôt que la pièce était jouée de plus en plus souvent devant des auditoires enthousiastes, pas seulement en Angleterre, mais également sur le continent et en Amérique. La renommée d’Elgar s’étendit si rapidement qu’il fut anobli cinq ans à peine après la création des Variations. Il dédia la partition à ses amis qui avaient inspiré l’œuvre.
L’identité des amis qu’Elgar dépeint en musique est justement l’un des aspects de l’énigme du titre. L’œuvre débute par l’exposition d’un thème solennel, suivi de 14 variations, la première brossant le portrait de l’épouse d’Elgar et la dernière, l’autoportrait en musique du compositeur. Ces deux variations encadrent les descriptions orchestrales de 12 personnes ayant joué un rôle important dans la vie musicale ou sociale d’Elgar; les initiales ou le surnom de chacune apparaissent avant chaque variation sur la partition. Au départ, Elgar refusa de dévoiler l’identité des personnes dépeintes, mais il publia par la suite une explication détaillée donnant des indices permettant de les reconnaître.
Les Variations comportent toutefois une autre énigme. Elgar n’a jamais révélé quel était le thème mystérieux et véritable de l’œuvre, se contentant de dire que « dans l’ensemble des variations court un autre thème plus important, qui n’est pas joué ». Ce thème non joué ne se manifestant jamais a confondu le monde de la musique pendant plus d’un siècle. La femme d’Elgar et son ami August Jaeger connaissaient probablement le secret, mais ils l’ont emporté avec eux dans la tombe. Les diverses spéculations ont pris des proportions absurdes. Plus tard au cours de sa vie, le compositeur a donné un indice, déclarant que le thème est « si connu qu’il est étrange que personne ne l’ait découvert ». Des musicologues ont tenté en vain d’établir un lien entre les Variations et toutes sortes de chansons et de mélodies populaires. Ils ont envisagé des thèmes philosophiques (« un autre thème plus important »), tels que l’intimité, l’amitié et la sincérité. Ils ont même évoqué la possibilité que ce soit une farce et que le thème caché n’existe tout simplement pas. L’énigme demeure complète.
THÈME (Énigme) – Le thème est présenté d’entrée de jeu. Il est composé de deux phrases : la première, plaintive et triste, en sol mineur, est énoncée par les violons dans une ligne doucement montante et descendante; la deuxième phrase, en sol majeur, se partage entre les cordes et les bois.
VARIATION I – Sur le même tempo, on nous présente Caroline Alice Elgar, la femme du compositeur, dont la vie fut, selon les mots de celui-ci, « une source d’inspiration romantique et raffinée ».
VARIATION II – Hew David Steuart-Powell, un pianiste avec qui Elgar faisait de la musique de chambre (violon), est décrit ici avec humour comme un musicien faisant quelques exercices d’échauffement.
VARIATION III – Elgar propose la caricature de l’acteur Richard Baxter Townshend jouant le rôle d’un vieil homme dans une pièce de théâtre amateur.
VARIATION IV – Pour la première fois, on entend ici l’orchestre au complet. Selon une personne qui le connaissait, William Meath Baker était un « châtelain au style suranné du Gloucestershire; un érudit […], un homme plein d’énergie ».
VARIATION V – Richard Penrose Arnold, fils de Matthew Arnold, est dépeint comme un homme sérieux et d’une grande profondeur.
VARIATION VI – Mlle Isobel Fitton jouait de l’alto en amateur et aimait faire de la musique de chambre avec Elgar; le compositeur utilise ici l’alto fort à propos pour décrire cette femme au charme romantique.
VARIATION VII – Dans cette variation, l’architecte Arthur Troyte Griffith joue maladroitement du piano et Elgar s’efforce de l’aider; la conclusion brutale suggère l’exaspération provoquée par l’exercice.
VARIATION VIII – Cette variation dépeint la vie tranquille que menait l’élégante Mlle Winifred Norbury dans sa résidence du XVIIIe siècle à Worcester.
VARIATION IX – Dans la plus célèbre des variations, Elgar rend hommage à August Jaeger avec sensibilité. Le surnom « Nimrod » renvoie au chasseur de la Bible, fils de Cush (« Jaeger » signifie « chasseur » en allemand). La douce chaleur qui imprègne cette musique s’inspire, dit Elgar, « du souvenir d’une longue conversation par un soir d’été au cours de laquelle mon ami Jaeger s’était exprimé avec éloquence – comme lui seul savait le faire – sur la grandeur de la musique de Beethoven, en particulier dans ses mouvements lents ».
VARIATION X – Dorabella (qui devint plus tard Mme Richard Powell) était une femme à la conversation hésitante et aux manières gracieuses. Elgar parlait de cette musique comme d’une « danse à la grâce féerique ».
VARIATION XI – La tradition veut que cette musique renvoie aux cabrioles du bulldog de Sinclair, nommé Dan, lorsqu’il courait vers les rives de la rivière Wye pour y nager à contre-courant, avant d’en sortir en aboyant.
VARIATION XII – Basil G. Nevinson était un autre musicien amateur appartenant au cercle d’Elgar. Il jouait du violoncelle, instrument évidemment en vedette dans cette variation.
VARIATION XIII – Lady Mary Lygon est représentée ici; elle se trouvait en bateau à destination de l’Australie au moment de la composition. Cette douce marine contient des citations à la clarinette de l’Ouverture Mer calme et heureux voyage de Mendelssohn.
VARIATION XIV – Cette fois, il s’agit d’Edward Elgar lui‑même. Le compositeur est dépeint ici comme un homme affirmé et confiant, plutôt que dans l’attitude réservée qui lui était plus coutumière. Les Variations s’achèvent ainsi sur des sonorités triomphales.
Pinchas Zukerman et l’Orchestre du CNA entretiennent une relation de longue date avec les Variations Enigma, qu’ils ont présentées pour la première fois en 2005 et plus récemment en 2013. Plusieurs orchestres invités ont aussi interprété l’œuvre à la salle Southam, dont l’Orchestre national de la BBC au Pays de Galles en 1983 et l’Orchestre métropolitain sous la direction de Yannick Nézet-Séguin en 2015.
Traduit d’après Robert Markow
« Interprète aux prouesses techniques quasi surhumaines » (The New York Times), le pianiste Marc-André Hamelin est mondialement reconnu pour ses interprétations des grandes œuvres du répertoire où il allie musicalité achevée et technique brillante, ainsi que pour son exploration audacieuse des raretés des XIXe, XXe et XXIe siècles. Il se produit régulièrement à l’international, avec les plus grands orchestres et chefs de notre époque, et donne des récitals dans les plus grandes salles de concert et festivals du monde.
Pour la saison 2023–2024, il a interprété une vaste sélection d’œuvres de répertoire avec le Philharmonische Hagen, l’Orchestre philharmonique de la Radio néerlandaise et l’Orchestre de chambre de Los Angeles. Il s’est produit en récital et lors de concerts de musique de chambre à Prague, à l’Elbphilharmonie de Hambourg, au Wigmore Hall de Londres, au Muziekgebouw d’Amsterdam, au Portland Piano International, aux concerts Cliburn et au Centre de musique Brevard avec Johannes Moser, ainsi qu’un peu partout aux États-Unis avec le quatuor Takács. Il a fait des apparitions dans divers festivals, dont Tanglewood, le Festival de Lanaudière, le Festival de musique de Grand Teton et la Schubertiade du Vorarlberg.
Artiste enregistrant en exclusivité chez Hyperion, il a produit plus de 70 albums. En février 2024, il a lancé sous cette étiquette son deuxième enregistrement de ses propres compositions, qui a été acclamé par la critique.
Marc-André Hamelin a composé de la musique tout au long de sa carrière : il compte plus de 30 compositions à son actif. La majorité de ses œuvres – dont les Études et la Toccata sur « L’Homme armé », commandées par le Concours international de piano Van Cliburn – sont publiées aux éditions Peters.
Marc-André Hamelin a élu domicile dans la région de Boston. Né à Montréal, il est lauréat d’un prix pour l’ensemble de sa carrière décerné par l’Association allemande des critiques de disques et a reçu sept prix JUNO et onze nominations aux GRAMMY. Il est Officier de l’Ordre du Canada, Chevalier de l’Ordre du Québec et membre de la Société royale du Canada.
Premier chef invité de l’Orchestre du Centre national des Arts et chef d’orchestre de l’Orchestre philharmonique de la BBC et de l’Orchestre philharmonique de Turku, John Storgårds mène de front une carrière de chef d’orchestre et de violoniste virtuose, et est renommé pour ses programmes innovants et ses prestations à la fois fougueuses et raffinées. Il assure également depuis 25 ans la direction artistique de l’Orchestre de chambre de Laponie, renommé partout dans le monde pour ses prestations audacieuses et ses enregistrements primés.
Sur la scène internationale, Storgårds se produit régulièrement avec les orchestres philharmoniques de Berlin, de Munich et de Londres, l’Orchestre national de France et l’Orchestre symphonique de la radio de Vienne, de même que les principaux orchestres scandinaves, y compris l’Orchestre philharmonique d’Helsinki, dont il a été chef attitré de 2008 à 2015. Il retourne régulièrement diriger l’Orchestre de chambre de Munich où il a été partenaire artistique de 2016 à 2019. Sur les autres continents, il a été invité au podium des orchestres symphoniques de Sydney, de Melbourne, de la NHK à Tokyo et Yomiuri Nippon du Japon, ainsi que des orchestres symphoniques de Boston et de Chicago et de l’Orchestre philharmonique de New York.
La discographie primée du maestro comporte des enregistrements d’œuvres de Schumann, Mozart, Beethoven et Haydn, mais aussi des raretés de Holmboe et Vask, où on peut l’entendre comme soliste au violon. Avec l’Orchestre philharmonique de la BBC, il a gravé sous étiquette Chandos l’intégrale des symphonies de Nielsen (2015) et de Sibelius (2014), qui lui ont valu les éloges de la critique. En novembre 2019, il a publié le troisième et dernier volume des œuvres du compositeur américain d’avant-garde George Antheil. Leur dernier projet en date est l’enregistrement des symphonies tardives de Chostakovitch, notamment celui de la Symphonie no 11 paru en avril 2020. En 2023, Storgårds et l’Orchestre philharmonique de la BBC ont été en lice pour le titre d’orchestre de l’année décerné par le magazine Gramophone.
John Storgårds a étudié le violon auprès de Chaim Taub et la direction d’orchestre auprès de Jorma Panula et d’Eri Klas. Il a reçu le Prix de la musique de l’État finlandais en 2002 et le prix Pro Finlandia en 2012.
L’Orchestre du Centre national des Arts (CNA) du Canada est reconnu pour la passion et la clarté de son jeu, ses programmes d’apprentissage et de médiation culturelle visionnaires et son soutien indéfectible à la créativité canadienne. Situé à Ottawa, la capitale nationale, il est devenu depuis sa fondation en 1969 l’un des ensembles les plus encensés et les plus dynamiques du pays. Sous la gouverne du directeur musical Alexander Shelley, l’Orchestre du CNA reflète le tissu social et les valeurs du Canada, nouant des liens avec des communautés de tout le pays grâce à sa programmation inclusive, ses récits puissants et ses partenariats innovants.
Alexander Shelley a façonné la vision artistique de l’Orchestre depuis qu’il en a pris les rênes en 2015, poursuivant sur la lancée de son prédécesseur, Pinchas Zukerman, qui a dirigé l’ensemble pendant 16 saisons. Le maestro Shelley jouit par ailleurs d’une belle renommée qui s’étend bien au-delà des murs du CNA, étant également premier chef d’orchestre associé de l’Orchestre philharmonique royal au Royaume-Uni ainsi que directeur artistique et musical d’Artis—Naples et de l’Orchestre philharmonique de Naples aux États-Unis. Au CNA, Alexander Shelley est épaulé dans son rôle de leader par le premier chef invité John Storgårds et par le premier chef des concerts jeunesse Daniel Bartholomew-Poyser. En 2024, l’Orchestre a ouvert un nouveau chapitre avec la nomination d’Henry Kennedy au nouveau poste de chef d’orchestre en résidence.
Au fil des ans, l’Orchestre a noué de nombreux partenariats avec des artistes de renom comme James Ehnes, Angela Hewitt, Renée Fleming, Hilary Hahn, Jeremy Dutcher, Jan Lisiecki, Ray Chen et Yeol Eum Son, assoyant ainsi sa réputation d’incontournable pour les talents du monde entier. L’ensemble se distingue à l’échelle internationale par son approche accessible, inclusive et collaborative, misant sur le langage universel de la musique pour communiquer des émotions profondes et nous faire vivre des expériences communes qui nous rapprochent.
Depuis sa fondation en 1969, l’Orchestre du CNA fait la part belle aux tournées nationales et internationales. Il a joué dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada et a reçu de nombreuses invitations pour se produire à l’étranger. Avec ces tournées, l’ensemble braque les projecteurs sur les artistes et les compositeurs et compositrices du Canada, faisant retentir leur musique sur les scènes de l’Amérique du Nord, du Royaume-Uni, de l’Europe et de l’Asie.
Alliance internationale des employés de scène et de théâtre